Carte postale n°68
Extrait de À la recherche du temps perdu, tome 2 : À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Les parents de Gilberte, qui si longtemps m'avaient empêché de la voir, maintenant – quand j'entrais dans la sombre antichambre où planait perpétuellement, plus formidable et plus désirée que jadis à Versailles l'apparition du Roi, la possibilité de les rencontrer, et où habituellement, après avoir buté contre un énorme porte-manteaux à sept branches comme le Chandelier de l'Écriture, je me confondais en salutations devant un valet de pied assis, dans sa longue jupe grise, sur le coffre à bois et que dans l'obscurité j'avais pris pour Mme Swann – les parents de Gilberte, si l'un d'eux se trouvait passer au moment de mon arrivée, loin d'avoir l'air irrité, me serraient la main en souriant et me disaient :
« Comment allez-vous ? (qu'ils prononçaient tous deux “commen allez-vous” sans faire la liaison du t, liaison qu'on pense bien qu'une fois rentré à la maison je me faisais un incessant et voluptueux exercice de supprimer). Gilberte sait-elle que vous êtes là ? Alors je vous quitte. » 📚